mardi 23 janvier 2018

Camille







"Les statues du musée Rodin , à Paris , exhibent leurs muscles sur le parquet ciré d'une vieille demeure et devant les arbres du jardin. Les mains des touristes caressent les fesses de bronze et leur donnent un brillant que rehausse la lumière d'automne. Au-delà de son sujet apparent, chaque statue exprime la brutale confiance en soi du sculpteur et son orgueilleuse croyance dans les puissances de l'art. Accaparant tout l'espace, elles font de l'éternité une salle de musculation . Et puis il y a une pièce, une seule, accordée à l'oeuvre de Camille Claudel, comme une chambre à part. Elle n'aura guère eu plus de place dans la vie de Rodin. Ses statues dansent, brûlent, appellent. Leur matière frémit comme un voile imperceptiblement soulevé par une respiration légère. Le buste de "la petite châtelaine", à lui seul, recueille ce que l'enfance a de plus déchirant. On lit sur ce visage une innocence qui pressent qu'elle sera trahie et rassemble ses forces avant de recevoir le coup fatal. C'est ce que dit cette oeuvre dont la grandeur ne doit rien au monde ni à l'art - tout à un Dieu désespérant de jamais pouvoir nous atteindre".

Christian Bobin
Ressusciter

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